Guillaume Mazauric

Septembre 2018 Attrape couleurs

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Mon travail récent témoigne d’un désir d’appropriation des images qui croisent mon regard en les travaillant à l’aide de moyens manuels dont la lenteur et la discipline induisent une qualité singulière de regard. Pour le dire aussi simplement que David Hockney, je pense comme lui que « plus on dessine et mieux on y voit » (in Conversations with David Hockney, Martin Gayford). Le fruit de ce travail constitue un ensemble de toiles, de pochades, de sérigraphies et de dessins que je tend à regrouper sous le titre d’ensemble Regular Job, soulignant cette idée d’un exercice du regard comme l’exercice d’un métier et la pratique de la peinture comme un art vernaculaire.

Sur un autre versant, j’essaie d’imaginer des dispositifs d’expérience de la peinture sollicitant des espaces en volume afin de créer des perceptions particulières. Par exemple dans l’installation Ghost Corridor, une caisse collée contre une vitre crée grâce à un jeu de miroirs l’image d’un profond couloir. Dans l’installation Balade au bout du monde toute la pièce est peinte du sol au plafond comme une surface de tableau et le spectateur est intégré à la composition grâce à un pratiquable installé au centre et définissant un ensemble de points de vue sur le paysage représenté.

Dossier attrape-couleurs 2018 .PDF

Ces pratiques en apparence disparates dénotent une réflexion sur l’expérience objective des images, en tant que contenu littéral mais aussi en tant que phénomène perceptif. Depuis quelques temps maintenant ma réflexion se porte sur la présence des images dans ma vie et sur les particularités de l’expérience physique et mentale qu’induit ce contact inévitable et chaotique avec des images.

Mon travail artistique se concentre sur la compréhension et l’appropriation des conséquences de cette expérience sur la subjectivité et le regard. C’est dans ce sens que le thème « Habiter » m’a interpellé, car en un sens mes recherches récentes témoignent d’un désir d’habiter mon propre regard. Cela peut paraître assez évident mais si l’on éprouve réellement cette question, on s’aperçoit vite que cela ne va pas de soi, loin de là. Le regard est la cible de très nombreuses sollicitations dont les enjeux sont le plus souvent totalement indifférents aux enjeux d’une construction de subjectivité (pour aller très vite : émancipation, liberté, vérité, …). Ainsi notre regard est constamment saturé d’un flux continu d’images étrangères, et il m’a fallu inventer une stratégie de désamorçage de ce phénomène afin de me ré-approprier un rapport physique et mental, un rapport « agissant » à mon regard. En fait une stratégie pour habiter subjectivement mon regard, développer un habitus de regard.

Une voie que je souhaite explorer pour cette exposition serait de jouer du rapport entre deux surfaces d’apparition des images : le tableau et le mur. Dans les phases d’accrochage du projet Regular Job (où je cherche à agencer les cadres et toiles de façon à créer un mur d’images) et dans les installations où
je cherche à créer un espace immersif où le regard du spectateur occupe une place centrale, il s’agit de produire les conditions d’une expérience de regard liée à la position du corps dans l’espace par rapport à l’œuvre.

Je souhaiterais profiter de l’opprotunité de la thématique «Habiter» afin de poursuivre mes propres recherches autour des espaces domestiques, de l’imaginaire qu’ils charrient et de leur subversion. Il s’agit d’un thème récurrent de mon travail de dessin et de peinture, comme le montrent les visuels des pages suivantes.

Cette proposition consisterait dans l’articulation entre des toiles interrogeant ce rapport aux composants formels des espaces domestiques (fenêtre, porte, rideau, mur, sol, plafond, …) et la modification de la perception de l’espace par la peinture en utilisant ces mêmes composants architecturaux comme supports pour peindre, accrocher ou même inventer des dispositifs modifiant la perception de ces espaces (parois, pratiquables, extensions, prothèses, etc.) comme j’ai pu le faire dans les installations précedentes.

Un espace tel que l’attrape-couleurs serait un terrain de jeu intéressant pour ce type de projet, n’étant
pas un espace dévolu dès son origine à être un espace d’exposition. Parmi les détails qui retiennent
mon attention : les moulures sur la partie basse des murs de certaines salles d’expositions, le parquet en quinconce, la perspective entre les espaces à travers la porte exigüe. Autant de questions sur le décor et le passage qu’un espace tel que l’attrape-couleurs permettrait de mettre en forme, de mettre en œuvre.

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