Guillaume Mazauric

Octobre 2019 Vecteur

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Note d’intention

Ma volonté de faire cette résidence vient de la nécessité pour moi de consacrer un temps de recherche et de création exclusif à un sujet qui implique de profonds bouleversements dans mes pratiques et ma manière de travailler.

Je dessine et je peins des tableaux à partir de collections d’images apparemment hétéroclites. J’interviens ensuite sur ce grâce à une variété d’outils répandus de traitement et de retouche d’images. Ce qui importe c’est d’abord d’intervenir manuellement sur une image, de produire ou transformer une image par une série d’opérations manuelles. Je ne fais pas l’apologie des œuvres « faites à la main », ce n’est d’ailleurs même pas un choix esthétique. Ce qui me motive dans la réalisation d’une peinture, la spécifité de ce type d’ouvrage manuel, c’est la concentration qu’elle exige, l’attention accrue à ce que je vois, une qualité de regard qui se développe dans la relation entre l’image, l’œil, la main et la peinture. Ce travail manuel me sert à mettre en perspective le rapport inconséquent aux images et aux simulacres en général qui se développe dans nos sociétés occidentales.

Note d’intention

Portfolio

Ce rapport est à l’aube d’un bouleversement important depuis quelques années avec l’invention d’une variété particulière d’algorithmes de réseaux neuronaux, les réseaux génératifs antagonistes ou GANs. L’apparition de ces programmes a eu une résonance très forte dans le domaine des images car ils sont capables de générer des images photoréalistes mais également des « œuvres d’art » ( des chercheurs chez Microsoft ont par exemple entraîné un GAN à créer un « nouveau » tableau de Rembrandt).

Les recherches scientifiques dans ce domaine ont permis très récemment l’apparition de nouveaux programmes de traitement d’image tirant partie des capacités des GANs. Ces outils étant encore en développement ils sont assez rudimentaires mais les résultats qu’ils permettent d’obtenir restent impressionnants et laissent imaginer des bouleversements radicaux dans notre expérience du réel et des simulacres. Les GANs sont des algorithmes entraînés à partir de collections d’images dont une des plus approfondies publiée à ce jour compte environ 127000 photographies. Le processus de constitution de ces collections est encore très artisanal mais une fois qu’il sera automatisé les programmes pourront s’entraîner sur des corpus comptant potentiellement des millions de milliards d’images, laissant supposer l’apparition de simulations intégrales, émancipées de toute relation au réel, contrairement à la photographie qui garde encore cette aura du « cela a été ».

La peinture n’est pas un choix esthétique pour moi. C’est une position stratégique visant à contrer la violence qu’exercent les simulacres sur le regard, contraint à l’apathie. Peindre demande de l’attention, une concentration intense du regard et du corps. Ces nouvelles images sont un nouveau défi, un nouveau monde de signes, de textures et d’aberrations visuelles auxquels je vais devoir trouver une réponse plastique. Comment peindre ça? C’est à cette question que je souhaite m’atteler pendant cette résidence.

En outre le sujet des GANs est encore, malgré un buzz grandissant dans le domaine de la technologie et des arts, assez méconnu. Ses implications sont néanmoins importantes et d’une telle complexité qu’elles méritent un travail de médiation et de vulgarisation. J’ai pu observer en parlant avec des amis ou des personnes étrangères aux domaines de l’art, de l’image ou des nouvelles technologies une curiosité et un intérêt pour ce sujet. La restitution sous forme d’exposition m’intéresse dans ce sens quelle permettrait la mise en place d’une médiation de cet ordre, encourageant les spectateurs à s’intéresser aux nouvelles images et plus généralement au rôle et à la place des images dans leur expérience quotidienne du monde et de la réalité.

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