Guillaume Mazauric

Mars 2019 Montrouge

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Texte Leo Guy Denarcy

Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. C’est en ces mots que l’auteur des Petits poèmes en proses ouvre « Les Fenêtres », texte saisissant dans son invitation à une expérience esthétique réalisée entre l’intérieur et l’extérieur et de rappeler son travail de critique pour les Salons de 1845, 1846 et 1859. Au début de l’année 2018, Guillaume Mazauric offre, à sa manière, une relecture particulière de ce travail d’espace. L’installation picturale Ballade au bout du monde travaille par spécialisation, et nous sommes invités, à travers un seuil d’abord obturé par un premier tableau, à pénétrer dans une image, une fois cette « fenêtre » ouverte. Changement de point de vue donc, mais aussi de perspective ou, comme l’explique Léo Bioret dans son introduction à l’exposition « Un phénomène d’absorption (qui) révèle l’utilisation d’une perspective singulière, un temps d’arrêt vers une peinture de point de vue ». À l’inverse du travail perspectiviviste, l’oeuvre vient ici se définir dans sa globalité, travaillant par une composition qui vient amorcer l’expérience visuelle, une fois la rétine habituée à son nouvel environnement. Par-delà la leçon donnée à l’œil, c’est une remise en question de la perception toute entière que proposent l’architecture méditative et cette tentation d’une oeuvre globale.

Le tableau-immersif précédemment décrit est inspirée de la nouvelle de J.L Borges « Les animaux des miroirs », texte qui inspire déjà l’artiste à l’occasion d’une série réalisée en 2017. Le travail de peinture de Mazauric est construit à partir d’un constat de l’accélération de la production d’images. C’est d’ailleurs en partie sur Internet et dans ses dossiers personnels qu’il assouvi sa pulsion warburgienne contemporaine et classique. Il les range précieusement dans un atlas d’œuvres potentielles. Simplement, au lieu de les retoucher et avant de les traduire en peinture — et plutôt que des les appliquer telles qu’elles sur la toile —, Guillaume Mazauric a trouvé deux moyens simples et infaillibles pour les rendre inspirantes : l’assemblage et le cadrage. Trop facile, en effet, de trouver aujourd’hui une photographie rumorale quelconque ou d’une violence évocatrice, trop évident d’utiliser la célèbre viralité qui transforme n’importe quelle cliché familier une fois peint avec style. L’artiste s’éloigne de l’espace entendu et spectaculaire de la représentation pour chercher des sources plutôt banales mais qui, une fois recadrées et imperceptiblement modifiées, deviennent d’autant plus dérangeantes qu’elles sont la mise en scène de notre vie quotidienne, laissant ainsi la fenêtre entrouverte.

Catalogue-SDM-#64-p.70

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